Local professionnel : achat par la société ou à titre personnel ?

Dès lors que le chef d’entreprise a décidé d’être propriétaire de ses locaux professionnels, il se trouve confronté à un dilemme : faire acheter l’immeuble professionnel par sa société d’exploitation ou acquérir lui-même directement l’immeuble ? Dans ce dernier cas, faut-il créer une SCI ? Quels sont les avantages et inconvénients, et les impacts en matière fiscale d’un choix ou de l’autre ?

La détention par l’entreprise

Beaucoup d’entreprises s’interrogent aujourd’hui sur l’opportunité d’acheter, voire de conserver leurs locaux professionnels.

Intérêts de l’achat et de la détention par l’entreprise

Les arguments traditionnels en faveur d’une acquisition et d’une détention de l’immobilier par l’entreprise sont les suivants : l’acquisition assure une meilleure stabilité de l’activité professionnelle, donc une sécurité et une visibilité plus grandes ; l’achat des murs profession­nels évite les contraintes relatives au bail commercial (notamment toutes les problématiques d’éviction, d’augmentation des loyers, de modification des locaux ou de l’activité, etc.) ; le remboursement des annuités d’emprunt n’est pas un versement de loyers à fonds perdu ; il est possible de déterminer précisément le coût final de l’investissement si l’achat est financé par un emprunt à taux fixe ; les locaux de l’entreprise figurent à l’actif de l’entreprise, ce qui est rassurant pour les banquiers et créanciers ; la mise en gage des biens immobiliers permet d’obtenir plus facilement des moyens financiers ; lorsqu’elle achète un bien neuf, l’entreprise peut récupérer la TVA (dans le cas de l’ancien, elle paye des droits d’enregistrement) ; l’entreprise peut déduire les intérêts d’emprunt de son bénéfice imposable, tout comme sa taxe foncière et une quote-part de l’amortissement ; en cas de difficultés ou de besoins de liquidités, l’entreprise peut vendre son immobilier sans arrêter ses activités, tout en restant sur place et en le louant (lease-back).

On peut aussi citer deux avantages « conjoncturels » : la crise économique a mis en lumière l’avantage d’investir dans l’immobilier, faute de mieux ; et les taux d’intérêt actuels des emprunts immobiliers sont actuel­lement historiquement bas.

Désavantages de la détention par l’entreprise

Si l’acquisition avec les capitaux propres de l’entreprise est la solution la moins coûteuse, elle n’est pas toujours la plus intéressante, car elle n’est pas automatiquement créatrice de valeur. Cette opération mobilise en effet une somme importante, qui pourrait être utilisée à d’autres investissements plus productifs puisque l’achat des locaux de l’entreprise ne permet pas de concentrer toutes les ressources au développement, à la mise au point de nouveaux produits et marchés et aux investissements opérationnels qui feront les succès de demain. De plus, il n’est pas certain qu’il soit intéres­sant pour une entreprise d’acheter les locaux quelques années seulement avant sa cession, car le coût de l’immobilier représentera alors un frein pour le repreneur, sauf dans le cas où l’activité repose sur cet immobilier. L’acquisition des locaux suppose, le plus souvent, un financement dont le coût doit être supportable dans la durée par l’entreprise ; en cas de baisse d’activité et de capacité d’autofinancement de l’entreprise, celle-ci risque de ne plus être capable de rembourser ses emprunts.

Fiscalité de l’acquisition par l’entreprise

TVA. En matière immobilière, les opérations réalisées dans le cadre d’une activité économique par un assujetti sont imposables de plein droit à la TVA à 20 % dans les cas suivants : livraisons de terrains à bâtir ; livraisons d’immeubles « neufs » fiscalement, c’est-à-dire achevés depuis moins de cinq ans, quel que soit le nombre de livraisons opérées dans le délai de cinq ans de l’achèvement ; livraisons à soi-même d’immeubles neufs non revendus dans les deux ans de l’achèvement. En revanche, la TVA n’est pas applicable si ces biens sont achetés à un particulier, sauf si celui-ci avait acquis en l’état futur d’achèvement (Vefa) l’immeuble qu’il cède dans les cinq ans de son achèvement. Certaines opérations sont exonérées mais imposables à la TVA sur option d’un assujetti agissant en tant que tel : les livraisons de terrains autres que des terrains à bâtir ; les livraisons d’immeubles achevés depuis plus de cinq ans.

Droits d’enregistrement. Pour les opérations réalisées dans le cadre d’une activité économique et imposables de plein droit à la TVA à 20 % sur le prix total, l’acquéreur est redevable d’un droit de 0,715 % (plus précisément 0,71498 %). Si l’achat par l’entreprise porte sur un immeuble achevé depuis plus de cinq ans, et donc non soumis de plein droit à la TVA sur le prix total, elle est redevable des droits de vente au taux global de taxation est fixé à 5,09 % (taux que la plupart des départements ont décidé de porter à 5,80 %...).

Bon à savoir. Les frais notariés peuvent être, comme les droits d’enregistrement, passés immédiatement en charges ou rattachés au coût d’acquisition de l’im­meuble et amortissables sur la durée d’utilisation de l’immeuble.

Fiscalité de la détention par l’entreprise

Intérêts. Les intérêts des emprunts contractés pour financer l’achat de l’immeuble viennent en déduction des bénéfices imposables.

Amortissements. Le prix de revient des locaux (à l’exclusion de la partie du prix du terrain) fait l’objet d’amortissements déductibles des bénéfices imposables pendant 25 à 30 ans.

Fiscalité de la cession par l’entreprise

Si l’immeuble est la propriété d’une société soumise à l’IS, sa cession entraîne la réalisation d’une plus-value imposable, égale à la différence entre le prix de vente et la valeur nette comptable du bien. Cette plus-value est taxable au taux normal de l’IS, sans réduction pour durée de détention.

Si l’inscription de l’immeuble à l’actif de la société soumise à l’IS se révèle favorable sur le plan fiscal pendant la période de détention, ce choix se révèle coûteux lors de la vente du bien.

L’achat à titre personnel

Le dirigeant acquiert lui-même directement le local professionnel et il le loue à sa société. Ou bien il crée une SCI qui achète l’immeuble et le loue elle-même à la société.

Avantages de l’acquisition par les dirigeants

Génération de revenus locatifs durables. Lorsque l’acquisition de l’immobilier est réalisée par les dirigeants pour le louer à leur société, il s’agit d’une opération patrimoniale qui permet la capitalisation d’un actif. Dans tous les cas, la détention d’un patrimoine immobilier générant des revenus fonciers est fort utile en cas de difficultés financières et/ou pendant la retraite.

Transmission du patrimoine. Lorsque l’immobilier de l’entreprise appartient aux dirigeants, ceux-ci peuvent envisager sa transmission à travers des donations. La mise en oeuvre de cette stratégie sera d’autant plus facilitée par la création d’une SCI permettant de diviser l’immeuble en parts. Le partage des actifs professionnels des dirigeants est facilité ; ils pourront louer, céder ou transmettre d’un côté l’activité (le fonds de commerce) et de l’autre les murs.

Bon à savoir. En séparant l’immobilier de l’exploitation, on diminue la valeur de l’entreprise à transmettre et, corrélativement, la compensation à fournir aux héritiers non repreneurs.

Diversification des risques. En séparant l’immobilier (propriété des dirigeants) de l’exploitation, on sauve­garde normalement le patrimoine immobilier en cas de procédure collective touchant la société d’exploitation.

Cession de l’entreprise. La séparation immobilier/ exploitation facilite la vente de l’entreprise, car elle procure une certaine souplesse ; en effet, le vendeur et l’acquéreur peuvent fixer plus librement le périmètre de la reprise : entreprise seule ou entreprise et locaux d’exploitation.

Inconvénients de l’acquisition par les dirigeants

Immobilisation financière. L’achat à titre privé de l’immobilier de l’entreprise relève d’une stratégie patri-moniale qui privilégie cet investissement par rapport à d’autres, comme l’achat de résidences locatives, la prise de participation dans des sociétés, l’augmentation du capital, la souscription d’assurances-vie, etc.

Destination de l’immeuble. Un immeuble a des particularités qu’il est difficile de modifier par la suite : emplacement, construction, polyvalence, usage, accès, sécurité, etc. En particulier, si le bâtiment est réalisé sur mesure en fonction des besoins très spécifiques d’une activité donnée ou s’il est implanté à l’écart de toute autre activité socio-économique, il sera plus difficile à revendre ou à louer.

Confusion de patrimoines. La confusion de patrimoines entre les dirigeants et la société d’exploitation peut notamment être retenue s’il était prouvé qu’il y a eu des transferts d’actifs sans contrepartie : loyers surévalués ou sous-évalués anormalement, enrichissement des dirigeants au détriment de la structure d’exploitation, aménagements des locaux financés par la société d’exploitation restant acquis au dirigeant sans indem­nités, etc. En cas de confusion de patrimoines, les tribunaux peuvent étendre la procédure collective de la société d’exploitation aux dirigeants eux-mêmes.

Conventions réglementées. Il convient de respecter impérativement la procédure dite « des conventions réglementées » en cas de conclusion d’un bail entre la société d’exploitation et ses associés dirigeants qui détiennent l’immobilier. Les dirigeants de la société d’exploitation ou, s’il en existe un, le commissaire aux comptes, doivent présenter aux associés un rapport sur les conditions de la convention de ce bail, et la collectivité des associés doit approuver cette conven­tion. Si la société d’exploitation est une SA, le conseil d’administration devra donner son autorisation préala­blement à la conclusion de la convention.

Fiscalité de l’achat direct à titre personnel

Achat d’un terrain à bâtir. Lorsqu’un particulier achète un terrain à bâtir à un autre particulier (non assujetti à la TVA), l’opération n’est pas soumise à la TVA, car elle est réalisée entre non assujettis. Les droits de vente (d’enregistrement) de 5,09 % sont dus par l’acquéreur. Lorsqu’un particulier achète un terrain à bâtir à un assujetti (promoteur, lotisseur, marchands de biens), la TVA est due par le vendeur (sur la marge ou le prix total). Les droits d’enregistrement sont dus par l’acquéreur : 5,09 % en cas de TVA sur la marge et 0,715 % si la TVA est due sur le prix total.

Achat d’un immeuble achevé depuis moins de cinq ans. Lorsqu’un particulier achète un immeuble considéré fiscalement comme neuf (c’est-à-dire achevé depuis moins de cinq ans) à une personne assujettie, la TVA est due par le vendeur sur le prix total. Les droits de vente (d’enregistrement) dus par l’acquéreur sont réduits à 0,715 %. Il en est de même (assujettissement à la TVA et droit de vente de 0,715 %) pour les acqui­sitions d’immeubles de moins de cinq ans auprès d’un vendeur non assujetti qui avait acquis l’immeuble en état futur d’achèvement (Vefa). Par contre, l’achat d’un immeuble neuf à un non assujetti (n’ayant pas acquis l’immeuble en Vefa) n’est pas passible de la TVA mais des droits de vente de 5,09 %.

Achat d’un immeuble de plus de cinq ans. Lorsqu’un particulier achète un immeuble ancien (de plus de cinq ans) à un autre particulier non assujetti à la TVA, cette opération n’est pas soumise à la TVA mais aux droits de vente (d’enregistrement) qui s’élèvent à 5,09 %. Lorsqu’un particulier achète un immeuble ancien à une personne assujettie, cette opération est aussi exonérée de TVA et les droits de vente (d’enregistrement) s’élèvent à 5,09 %. Mais une option pour le paiement de la TVA reste possible et les droits de vente représenteront alors 0,715 %.

Fiscalité de la détention à titre personnel

Le propriétaire de l’immeuble perçoit des revenus fon­ciers qui peuvent être réalisés directement par le con­tribuable (personne physique) ; ou par l’intermédiaire d’une société qui a pour objet de gérer et de donner en location un patrimoine immobilier (SCI en général). Le revenu foncier est imposable à l’impôt sur le revenu.

Il est déterminé de la manière suivante :

  • selon le régime simplifié d’imposition (microfoncier) pour les titulaires de revenus fonciers ne dépassant pas 15 000 €, avec application d’un abattement forfaitaire de 30 %. Notez que comme les travaux et charges engagés sont compris dans l’abattement forfaitaire, ils ne peuvent pas être déduits ;
  • selon le régime réel d’imposition : en fonction du revenu net, c’est-à-dire le revenu brut constitué des loyers encaissés pendant l’année, déduction faite des charges. Notez que ni les amortissements ni les dépenses d’amélioration ne sont déductibles Si vous dégagez un bénéfice, c’est cette somme qui sera imposable. Si vous accusez un déficit, il sera imputable sur votre revenu global sous certaines conditions.

Lorsque les opérations de détermination du revenu foncier font apparaître un résultat négatif, le déficit ainsi constaté ne peut, en principe, être imputé que sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Cependant, la loi permet l’imputation, sur le revenu global, des déficits résultant des dépenses autres que les intérêts d’emprunt dans la limite annuelle de 10 700 €. La fraction du déficit supérieure à cette limite ainsi que celle correspondant aux intérêts d’emprunt ne sont imputables que sur les revenus fonciers des dix années suivantes. Lorsque le revenu global du contribuable est insuffisant pour absorber le déficit foncier imputable (limité à 10 700 €), l’excédent du déficit est imputable dans les conditions de droit commun sur les revenus globaux des six années suivantes.

Bon à savoir. Dans le cadre du micro-foncier, aucun déficit ne peut être constaté.

Fiscalité de la cession à titre personnel

TVA et/ou droits d’enregistrement. Lorsqu’un particulier vend un immeuble neuf, c’est- à-dire achevé depuis moins de cinq ans, à un autre particulier ou à une personne assujettie, cette opération est, en principe, hors champ d’application de la TVA. Elle est soumise aux droits de vente (d’enregistrement) de 5,09 %. Par contre, si le vendeur avait au préalable acquis l’im­meuble en état futur d’achèvement (Vefa), la TVA doit être perçue sur le prix total et les droits d’enregistrement sont réduits à 0,715 %. Lorsqu’un particulier vend un immeuble « ancien » (de plus de cinq ans), l’opération n’est jamais soumise à la TVA, que l’acquéreur soit assujetti ou non à la TVA. Les droits de vente (d’en­registrement) s’élèvent à 5,09 %, sauf : si l’acquéreur est assujetti à la TVA et prend l’engagement d’effectuer des travaux conduisant à la production d’un immeuble neuf dans un délai de quatre ans suivant l’achat (il y a alors exonération de droits d’enregistrement) ; ou si l’acquéreur est assujetti à la TVA et prend l’engagement de revendre dans un délai de cinq ans : les droits d’enregistrement sont alors réduits à 0,715 %.

Traitement fiscal des plus-values. Les plus-values réalisées par les particuliers lors de la cession de biens immobiliers appartenant à leur patrimoine privé sont soumises au régime des plus-values immobilières. Les plus-values immobilières sont imposables à l’impôt sur le revenu au taux de 19 %, sans oublier les prélève­ments sociaux (17,2 %), mais des abattements pour durée de détention sont applicables. Pour la détermi­nation du montant imposable à l’impôt sur le revenu des plus-values immobilières (19 %), l’abattement pour durée de détention est de : 6 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la 21e ; 4 % au terme de la 22e année de détention. Au total, l’exonération d’impôt sur le revenu est donc acquise au-delà d’un délai de détention de 22 ans. Pour la détermination du montant imposable aux prélèvements sociaux (17,2 %) des plus-values immobilières, l’abat­tement pour durée de détention est de : 1,65 % pour chaque année de détention au-delà de la cinquième et jusqu’à la 21e ; 1,60 % pour la 22e année de détention ; 9 % pour chaque année au-delà de la 22e. Au total, l’exonération des prélèvements sociaux est acquise au-delà d’un délai de détention de 30 ans.

Ce régime s’applique non seulement à la cession de biens détenus en direct, mais également aux cessions d’immeubles réalisées au travers de sociétés civiles immobilières non passibles de l’impôt sur les sociétés qui vendent les immeubles qu’elles possèdent.

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